Accoudée au bureau des urgences, faisant face à la porte d'entrée, les yeux qui piquent, je tente de boucler les dossiers des patients de cette nuit. Un coup d'oeil à ma montre et un calcul vite fait me permettent de savoir depuis combien de temps je suis au travail. Quinze heures. Cette foutu épidémie de grippe a contaminé la moitié des urgentistes et sur un total de huit normalement en charge, nous nous sommes retrouvés à quatre. Foutu administration qui refuse d'embaucher plus de monde.
Encore neuf heures avant la fin de ma garde…
génial.
Une pile de dossier immense est posée à coté de moi, et une flemingite aiguë me hurle de laisser tomber, d'aller prendre un café et me poser dans un lit de libre. Finalement j'attrape un dossier, tente de resituer le patient et une fois chose faite, je rédige tout ce qu'il lui a été prescrit cette nuit et les nombreuses procédures qui lui ont été infligées.
Il est presque huit heures et les urgences sont désertes. Les autres médecins ont filés en salle de repos et je me retrouve seule dans une pièce trop silencieuse à mon gout.
Au moins, quand on a des patients on ne s'ennuie pas. Pas le temps de réfléchir, pas le temps de s'endormir. L'adrénaline fait le boulot pour nous. Mais quand c'est calme…
Qu'est ce qu'on se fait chier.Un coup d'oeil sur le coté et j'aperçois LA machine à café. Bénit celui qui a inventé ces grosses bestioles qui me permettent de lutter contre des paupières trop lourdes. Une petite pièce et deux boutons plus tard, le front collé contre la machine, j'attends qu'elle me crache mon cappuccino. Le bruit de l'engin se mêle à celui d'une ambulance qui arriveJe me redresse d'un coup, un sourire se dessinant presque sur mon visage, limite heureuse que quelqu'un soit entre la vie et la mort. Pas de bol, l'ambulance s'arrête au service maternité.
Je n'ai plus qu'à récupérer ma boisson et retourner m'installer devant mes dossiers.
Je n'ai pas le temps de bosser plus de cinq minutes que j'entends quelqu'un entrer par la porte du fond, un léger coup d'oeil derrière moi pour voir qu'il s'agit seulement d'un médecin. Déçue - j'en venais presque à espérer une fusillade ou prise d'otage, histoire de me garder éveiller et de gagner quelques jours de congés. - je le suis du regard alors qu'il s'installe face à moi. Il me tend la main et se présente «
Enchanté, Dr. Leroy. Ce n’est pas trop dur de travailler aux urgences ? ».Je lui tends la main afin de lui répondre.
-
Je sais qui vous êtes. Les bruits de couloir atteignent très rapidement les urgences.Je lui souris, amusée par tout ce que j'ai pu entendre sur lui et boit une nouvelle gorgée de mon cappuccino, reportant mon attention sur la page blanche qui est devant moi. Sans relever le regard vers lui, je réponds à sa question.
-
Pas plus dur qu'un autre métier, un patient arrive, on fait ce qu'on peut pour le sauver, on y arrive ou pas, il rentre chez lui ou direction la morgue. Fin de l'histoire.Déposant mon stylo, légèrement surprise par la froideur de ma propre réponse, je relève le regard vers lui et l'imite lorsqu'il incline la tête. Un sourcil relevé, je lui souris de nouveau. Je me décide finalement à me présenter.
- Docteur Hadley. Vous avez besoin de quelque chose peut être?